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Totalenergies : Ces groupes européens qui préfèrent Wall Street à leur pays d'origine en Bourse

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(BFM Bourse) - Totalenergies a, la semaine dernière, évoqué la possibilité de choisir New York pour sa cotation principale. Plusieurs groupes européens ont déjà choisi la place américaine, soit eux aussi pour leur cotation principale, soit même pour leur cotation unique.

L'annonce a remué pendant plusieurs jours le petit monde de la Bourse: Totalenergies songe à faire de New York sa cotation principale . Le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, a expliqué que le conseil d'administration de la société lui avait demandé de réfléchir à cette option et que des travaux dans cette optique seraient rendus d'ici à septembre prochain.

Si cette annonce n'envoie évidemment pas un bon signal sur l'attractivité de la place parisienne, Totalenergies ne constitue pas un cas isolé en Europe, loin de là. Plusieurs groupes ont choisi New York pour leur cotation principale voire unique.

Au début du mois, Bloomberg opinion soulignait d'ailleurs qu'une autre major pétrolière, Shell, étudiait "toutes les options", y compris, éventuellement, déplacer sa cotation à New York et quitter Londres. L'agence citait le directeur général de Shell, Wael Sawan. Ce n'est pas le projet à de la société l'heure actuelle, mais l'option pourrait arriver sur la table si l'écart de valorisation avec les majors américaines perdurait au-delà de la mi-2025, expliquait le dirigeant à Bloomberg.

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Plusieurs exemples

Un groupe britannique a lui déjà franchi le pas évoqué par Totalenergies: Ferguson. Cette société s'appelait autrefois Wolseley (jusqu'en 2017) et est spécialisée dans la distribution de produits sanitaires, chauffage, canalisations. L'entreprise avait justement décidé de transférer sa cotation principale à New York en 2022, tout en restant cotée à Londres. Un an plus tard, dans un entretien au Financial Times, son directeur général, Kevin Murphy, expliquait n'avoir "aucun regret" quant à cette décision, tandis que son directeur financier, Bill Brundage, avait indiqué que les investisseurs américains étaient passés d'un peu plus de 30% du capital, à plus de 50%. A contrario, les britanniques ont vu leur part passer de 60% à 30% environ.

L'irlandais CRH, un groupe de matériaux de construction, a entrepris la même initiative, consacrant en septembre dernier New York comme sa principale place de cotation et non plus Londres où il a conservé une cotation secondaire (il l'a supprimée par contre à Dublin).

Originellement britannique (il était d'ailleurs coté à Londres avant d'être racheté par Softbank en 2016), le spécialiste des technologies pour les puces informatiques Arm a choisi Wall Street plutôt que Londres pour son retour en Bourse, en septembre dernier.

La place londonienne n'est pas la seule à subir ce type de revers. Le spécialiste des gaz industriels Linde, grand concurrent de notre champion national Air Liquide, avait infligé un camouflet retentissant à Francfort, en abandonnant en mars 2023 la place allemande pour se consacrer à sa cotation à New York. Linde était tout simplement le plus important groupe de la Bourse de Francfort en termes de capitalisation boursière (c'est désormais SAP).

Dernier exemple: le spécialiste allemand des sandales haut de gamme Birkentstock qui a décidé, comme Arm, de s'introduire en Bourse non pas dans son pays d'origine, mais à New York, en octobre. Le premier jour de cotation ne s'était d'ailleurs pas très bien passé.

Se rapprocher du premier marché mondial

Pourquoi ces groupes préfèrent Wall Street? Comme l'a expliqué le directeur général de Shell auprès de Bloomberg, les dirigeants peuvent penser qu'une cotation américaine peut aider à réduire l'écart de valorisation avec leurs comparables américains.

La volonté de se rapprocher du premier marché au monde, et chercher ainsi l'argent là où il se trouve, peut aussi jouer. Selon UBS, les Etats-Unis représentent 60,5% du marché mondial en termes de capitalisation boursière, loin devant le Japon (6,2%).

Invité à réagir à la réflexion new-yorkaise de Totalenergies, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a d'ailleurs effectué une déclaration un peu lapidaire mais claire. "Il n'y a pas d'argent en Europe", avait affirmé le locataire de Bercy sur LCI, jugeant que le constat de Totalenergies quant au plus grand intérêt des actionnaires américains pour son action était "lucide".

"Les Etats-Unis restent le premier marché boursier au monde, et il est clair qu'il peut y avoir un intérêt important pour les groupes cotés européens qui ont une activité significative dans ce pays à se rapprocher de ce marché. Pour les autres c'est moins évident", explique Pascal Quiry, professeur de finance à HEC et co-auteur de la lettre d'informations boursières Vernimmen.

Pour reprendre les précédents exemples, Ferguson avait vendu ses activités britanniques en 2021 et assurait en 2022 que "100% de ses opérations se focalisaient sur l'Amérique du Nord". D'où la logique d'une cotation principale à New York.

Chercher un bassin d'actionnaires plus étendu

CRH de son côté expliquait que les trois-quarts de son résultat brut d'exploitation (Ebitda) provenait désormais de l'Amérique du Nord. La société pensait en juin 2023 "qu'une principale cotation aux États-Unis (lui) offrirait davantage d'opportunités commerciales, opérationnelles et d'acquisitions, ce qui accélérerait encore (sa) stratégie de solutions intégrées réussie". Le groupe jugeait également que cette décision lui offrirait un accès à un "bassin étendu d'investisseurs" notamment du côté des fonds d'investissement américains et des actionnaires individuels.

Le cas de Linde est un peu plus spécifique. Le groupe avait grandement augmenté son exposition au marché américain (les "Amériques" représentaient 43% des ventes en 2023) via sa fusion avec l'américain Praxair, en 2019. La société allemande avait aussi évoqué une certaine lourdeur avec la cotation à Francfort.

"Bien que la structure de double cotation nous ait bien servis depuis le début, elle a limité la valorisation de nos actions en raison de restrictions européennes et d'une complexité accrue", expliquait l'entreprise en 2022. Le problème venait d'une règle empêchant Linde de peser plus de 10% du DAX, indice de référence de Francfort, alors que sa capitalisation montait en flèche. Ce qui l'avait expulsé du DAX 40…

Totalenergies a de son côté invoqué l'intérêt de ses actionnaires américains qui détiennent près de 50% du capital et ont tendance à acheter l'action quand les européens vendent ou maintiennent leurs participations. "C'est triste car c'est probablement la major qui a mis le plus de moyens et d'ambitions dans les énergies renouvelables", regrette Pascal Quiry.

La fiscalité en Europe en question

L'universitaire évoque par ailleurs un cadre réglementaire peu propice à l'investissement en actions en Europe pour expliquer l'attrait des groupes européens pour Wall Street.

"Si vous regardez en France, les avantages fiscaux donnés à l'assurance-vie, investie essentiellement en titres de dette, sont plus importants que pour le plan d'épargne en actions. La conséquence c'est que vous avez des investisseurs français locaux qui achètent surtout des obligations et non pas des actions, ce qui aboutit à une moindre valorisation", développe Pascal Quiry.

"Et dans l'ensemble de l'Europe on a à peu près la même situation qu'en France, avec l'exception notable de la Suède. La réglementation est plus incitative sur les actions, les fonds de pensions sont donc investis en actions, et le marché suédois est plus dynamique, en proportion que le français", poursuit l'universitaire.

"Au Royaume-Uni, il y a eu une reforme réglementaire qui a abouti à une nette baisse de la composante en actions des portefeuilles des fonds de pensions", explique-t-il encore.

Pour autant il ne faut pas, selon lui, faire de quelques exemples une généralité. "Une hirondelle ne fait pas le printemps et il ne faut pas sonner le tocsin à tort. Je rappelle que Coty est venu se faire coter à Paris l'an passé", fait valoir Pascal Quiry.

Julien Marion - ©2024 BFM Bourse

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