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VIDEO. "On nous a bernés…" un village du Gers s'oppose à un projet de parc agrivoltaïque mis sur pied en catimini

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l'essentiel Des habitants du village de Beaumarchés (dans l'ouest du Gers) sont tombés des nues en apprenant, début avril, qu'un projet de parc agrivoltaïque se montait dans leur dos sous leurs fenêtres. Un collectif a été fondé pour mener la fronde. De son côté, la mairie prend position dans ce dossier qui fait des vagues. Témoignages.

Mirannes, Aubiet, Barcelonne-du-Gers… Les projets de parcs solaires et agrivoltaïques poussent comme des fleurs aux quatre coins du département. Début avril, un nouveau est venu s'ajouter à la liste. Niché dans l'ouest du Gers, sur la commune de Beaumarchés, caché au milieu de vallons couverts de bois, de prairies et… d'une petite dizaine d'habitations. Or, c'est bien sur ce dernier paramètre, que le bât blesse, comme souvent.

Car le projet, porté par la société Corsica Sole, a priori d'une superficie de 10 hectares, est arrivé aux oreilles des habitants par la force des choses. « Seriez-vous pour ou contre un projet de parc agrivoltaïque ? » La question a été posée à Vincent Marty, qui a vu débarquer sur son seuil de porte le porteur de projet (fortement encouragé par la mairie). L'éleveur de chevaux, qui a exprimé son désaccord, est tombé des nues.

Les terres agricoles qui pourraient accueillir à terme le parc agrivoltaïque. DDM - C.M.

De ce pas, il alerte le voisinage. La nouvelle fait l'effet d'une bombe. Les premières interrogations naissent. Pourquoi avoir choisi ce terrain et pas un autre ? Pourquoi les riverains n'ont-ils pas été consultés plus tôt ?

Nicolas Duviau, dont la propriété est située à une cinquantaine de mètres du terrain au cœur des débats, se rend d'abord à la mairie pour tenter d'obtenir un début d'explication. « La municipalité n'a pas jugé bon de le dire à la population, parce que le propriétaire (lequel n'a pas répondu aux sollicitations de « La Dépêche ») devait le faire », s'exaspère le père de famille.

Nicolas s'empresse alors de le joindre. « Son alibi, c'est de dire que ce sont des terres qui ne sont pas trop productives. Manque de pot pour lui, l'agriculteur qui était là avant nous a confirmé qu'il avait toujours fait de la culture dessus », fustige le quinquagénaire.

« Ça nous a été caché »

Mais la question qui taraude le plus des riverains, c'est bien de savoir : à quand remontent les premiers balbutiements du projet ? « En avril 2023, Corsica Sole a demandé à la municipalité un avis sur le projet, pour le joindre au permis de construire. Lequel a été déposé en septembre dernier. C'est donc antécédent à ça », en déduit Vincent. « L'étude environnementale dure une année entière », ajoute son voisin. En suivant ses dires, le projet de parc agrivoltaïque remonterait donc, a minima, à 2022.

Dénonçant un projet mené dans leur dos, - « on nous a bernés » s'emporte Vincent -, les riverains n'entendent pas se laisser faire. Un seul objectif pour eux, le faire tomber à l'eau. Ils ont d'abord voulu créer une association pour mener la fronde. Là aussi, qu'elle a été leur stupéfaction en découvrant que c'était trop tard… « Pour que l'association soit valable, il faut qu'elle soit formée un an avant le dépôt du permis », explique Nicolas.

Les opposants ont mis la main sur les plans de quatre projets, présentés à la mairie en 2023 par le porteur de projet. DDM - C.M.

Son voisin Vincent en tire des conclusions : « Il y a eu une omerta. Ça nous a été caché volontairement. » À la place, un collectif a donc été fondé. Pollution visuelle, possible effet d'éblouissement, dévaluation immobilière, impact sur l'activité de gîtes voisins (voir encadré ci-dessous)… Les raisons de l'opposition sont multiples.

« On ne va pas mettre le feu au village »

Qu'en est-il du point de vue du maire, Gérard Castet ? En 2023, la municipalité avait « donné un avis favorable de principe en attendant un projet définitif ». Aujourd'hui, conscient des vagues provoquées par la révélation au grand jour du projet, l'édile tient un autre discours. « Si tout le monde est défavorable, on ne va pas mettre le feu au village pour une histoire de photovoltaïque », annonce Gérard Castet.

Le maire tient aussi à rappeler que l'avis de la municipalité ne sera pas déterminant. « C'est le préfet qui décide. » Il ajoute : « Le préfet nous avait dit que ce genre de projet se faisait sur des terrains accidentés, des friches… Dans le cas contraire, les accords seraient difficiles à obtenir. À mon avis, ici, ce sont des terres cultivables. »

Une simple route sépare la propriété de la famille Duviau du champ qui pourrait accueillir des centaines de panneaux photovoltaïques. DDM - C.M.

Des mots qui devraient rassurer les opposants. Mais qui ne vont pas pour autant leur faire baisser la garde. En cas de validation du permis de construire, une enquête publique sera lancée. « Un mois pour se battre », anticipe Nicolas. Mais le mot de la fin reviendra à la Préfecture. D'ici là, les pourparlers s'annoncent animés. À commencer lors d'une réunion publique annoncée entre la fin mai et début juin.

Les riverains payent, déjà, les pots cassés

L'annonce du projet : un crève-cœur pour Vincent Marty. « J'ai la pire vue » s'apitoie-t-il sur son sort… Il y a 7 ans, il quittait un petit village de Haute-Savoie pour fuir l'urbanisation galopante qui s'opérait sous ses yeux. « Comme les Suisses ont un pouvoir d'achat important, ils viennent construire en France », explique le père de famille.

Après avoir prospecté dans tout le Sud-Ouest, l'éleveur de chevaux a finalement eu un coup de foudre pour le Gers, ses vallons et ses paysages qui n'ont pas, ou très peu, été façonnés par la main de l'Homme.

« Une baisse de fréquentation »

Un cadre naturel préservé, idyllique, qu'il fait découvrir aux touristes, mais aussi aux Gersois désireux de se ressourcer, en venant séjourner dans son gîte.

Une poignée d'habitations, perdues au milieu d'un cadre encore préservé de l'Homme, sont situées autour du site du projet. DDM - C.M.

Mais pour combien de temps encore ? Car cette activité, complémentaire à celle d'éleveur de chevaux, pourrait bien être mise à mal par le parc agrivoltaïque, s'il advenait à voir le jour. C'est en tout cas ce que craint le Haut-Savoyard : « À partir du moment où il y aura les panneaux, on va avoir une baisse de fréquentation au gîte. »

« On va attendre que tout ça se finisse »

Les effets indirects néfastes du projet, alors même qu'aucun coup de pelle n'a été donné, Nicolas Duviau en a déjà fait l'expérience. Avec sa femme, le père de famille avait en effet décidé de mettre en vente sa maison. En apprenant l'existence du projet, devant sa porte, il a retiré son bien du marché.

« Si elle s'était vendue, on n'aurait pas pu dire aux acheteurs qu'un projet était en cours et on aurait été fautif », confie-t-il. Une honnêteté louable alors que son habitation, si le projet va au bout, devrait voir son prix chuter…

« On va attendre que tout ça se finisse », affirme Nicolas, avant, peut-être, de changer d'air avec toute sa famille.

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