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Contrôlés par les dealers pour pouvoir travailler : à Rennes, l'enfer des agents municipaux

Original source (on modern site)

« Se faire fouiller par des dealers en allant bosser, c'est juste délirant ». Jardinier dans le quartier du Blosne, à Rennes, Serge* raconte une scène hallucinante vécue il y a plusieurs semaines. « J'intervenais avec un collègue au niveau de la place de Serbie quand on a croisé quatre jeunes trafiquants assez agressifs. Ils nous ont demandé ce qu'on faisait là et nous ont demandé d'ouvrir nos blousons. Ils vérifiaient qu'on ne portait pas d'appareil de surveillance. On s'est exécutés, car on n'en menait pas large ».

Montrer patte blanche auprès des dealers pour pouvoir effectuer son travail : voici la nouvelle réalité des agents municipaux qui travaillent dans ce haut lieu du trafic de drogue dans la capitale bretonne. « Ils pensent qu'on renseigne les flics », poursuit Serge. « Quand on intervient sur ce secteur, on est littéralement surveillés par plusieurs dealers. C'est même déjà arrivé qu'on nous interdise le passage. Impossible de se sentir en sécurité ».

Des contrôles qui se multiplient

Selon plusieurs témoignages que nous avons recueillis, la situation se serait vraiment dégradée vers la fin d'année 2023 - quand des trafiquants extérieurs au quartier ont repris en main le juteux business des points de deal du quartier.

Les nouveaux trafiquants sont agressifs et paranos

« C'est devenu de plus en plus compliqué d'intervenir dans le secteur Serbie/Banat », abonde Nicolas*, également jardinier pour la Ville. « Avant, on nous laissait faire notre travail correctement, c'était presque courtois avec les dealers. Aujourd'hui, les nouveaux trafiquants sont agressifs et paranos. J'ai une amie aide à domicile qui doit montrer sa carte d'identité en bas des immeubles où elle travaille avant de pouvoir se rendre chez ses patients ».

Cohabitation complexe

Ce phénomène récent avait été abordé à l'Assemblée nationale en 2023 par Frédéric Mathieu, député LFI à Rennes. Celui-ci avait interpellé la Première Ministre, Elisabeth Borne, au sujet de la cohabitation difficile entre habitants et trafiquants de drogue. Il avait notamment évoqué les contrôles d'identité subis par certains riverains du quartier du Blosne. « C'est le quotidien d'un trop grand nombre des concitoyennes et concitoyens. […] L'appropriation de l'espace public et des lieux de vie par les trafiquants est insupportable et mine la vie au quotidien ».

Pour les agents municipaux qui sont missionnés par la Ville pour effectuer des missions sur ces secteurs, il devient difficile de travailler sereinement dans ces conditions. « Quand on sait qu'on va parfois être fouillé ou menacé, on réfléchit à deux fois avant d'intervenir dans ce quartier », précise Serge. « Notre direction nous a dit que si on se sentait en danger, on pouvait ne pas y aller ».

Menaces et vidéos sur les réseaux sociaux

Comme les jardiniers, les agents de propreté de la Ville subissent de plein fouet ce climat anxiogène. « Je reçois régulièrement des coups de pression et des insultes de la part des dealers », témoigne un agent de propreté qui intervient au Blosne. « C'est franchement angoissant. Je touche 1 500 € par mois pour ramasser des déchets, je veux juste gagner ma croûte tranquillement… sans terminer à l'hôpital ».

Au début du mois, un incident a particulièrement choqué ce quadragénaire. Alors qu'il effectuait une mission de nettoyage au niveau du centre commercial Italie, un de ses collègues, également agent de propreté, a été pris à partie par des dealers. « Il s'est fait filmer et la vidéo s'est retrouvée sur Snapchat quelques heures plus tard avec la mention 'BALANCE'. Ça laisse sous-entendre qu'il collabore avec la police alors que c'est évidemment faux. Ça fait peur, surtout qu'il habite le quartier. Depuis, il a fait exercer son droit de retrait et a changé de secteur pour sa tournée ».

Les agents municipaux attendent aujourd'hui des solutions concrètes de la part de la mairie. « La colère monte dans les équipes », affirme Serge. « On a eu une réunion avec des médiateurs détachés de la mairie en début d'année. On a remonté tous les problèmes, maintenant il faut des actes ».

Préavis de grève

Malheureusement, le climat ne s'est visiblement pas beaucoup apaisé depuis. Afin d'obtenir des mesures concrètes, les syndicats SUD CT 35 et CGT Ville de Rennes ont déposé un préavis de grève illimité, à partir du lundi 29 avril, concernant les agents travaillant dans les quartiers prioritaires. « On vient au boulot la boule au ventre », indique Stéphane Morandeau, secrétaire de la section syndicale SUD CT 35. « Les citoyens doivent savoir pourquoi on ne vient plus tondre dans certains endroits ou encore nettoyer. Les fonctionnaires doivent retrouver de la sérénité et de la quiétude au travail, être reconnu financièrement pour réaliser leurs missions de service public avant qu'un drame n'arrive prochainement malgré nos alertes répétées ».

Suite au dépôt de ce préavis de grève, une rencontre doit avoir lieu entre les syndicats et la municipalité, ce jeudi 25 avril, en présence du directeur des ressources humaines de Rennes Métropole. De son côté, la Ville se défend en expliquant faire le nécessaire pour « soutenir et accompagner les agents au quotidien ». Ces derniers mois, plusieurs mesures de protection ont été prises en réaction à ces divers incidents. Des temps de médiations avec la police municipale ont également été organisés. Enfin, des formations ont été mises en place pour que les agents puissent « adapter leur posture professionnelle à la proximité d'activités de deal ».

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*Le prénom a été modifié

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