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Le vélo n'est plus « le nouvel eldorado » : à Bordeaux, les deux-roues ont plus de mal à se vendre

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Des remises de 200 euros dans le magasin Intersport de la rue Sainte-Catherine ; -20 % sur tous les vélos neufs à Popins, rue Saint-James ; -15 % chez Movebike cours d'Alsace-et-Lorraine. Il suffit de faire le tour des vendeurs de vélos à Bordeaux pour constater que l'activité ne se porte pas au mieux en ce premier semestre 2024.

Pourtant...

Des remises de 200 euros dans le magasin Intersport de la rue Sainte-Catherine ; -20 % sur tous les vélos neufs à Popins, rue Saint-James ; -15 % chez Movebike cours d'Alsace-et-Lorraine. Il suffit de faire le tour des vendeurs de vélos à Bordeaux pour constater que l'activité ne se porte pas au mieux en ce premier semestre 2024.

Pourtant ce marché semblait encore en plein essor deux ans auparavant. De 2010 à 2022, l'agglomération a vu le nombre de vendeurs-réparateurs passer de 35 à 61. Une offre en croissance de 74 %. Jusqu'à 142 % à Bordeaux. Comment expliquer ce retournement de tendance ? Quelques pistes.

1 L'effet post-Covid, puis l'inflation

« Au sortir du Covid, on s'est dit que la vente de vélo était le nouvel eldorado, tout le monde s'y est mis », analyse Clément Jerusalem, responsable du magasin Vélo services, place Stalingrad. « Sauf que, derrière, la guerre en Ukraine et la poussée de l'inflation ont brisé cet élan. » En écho, Stéphane Bonne, responsable du magasin Movebike, situe le début des baisses des ventes à la fin 2022, et évoque des chiffres de -10 % à -15 %.

« Aujourd'hui, on cherche à déstocker. Quitte à vendre au prix d'usine, simplement pour gagner de la place pour d'autres activités ou d'autres produits »

La crise sanitaire avait bloqué la production de pièces détachées principalement située en Chine. « 75 % des produits de base ne pouvaient pas être importés », détaille Joaquim Aliaga, responsable du magasin Eco-Triporteur, rue de la Devise. Le marché s'est emballé lors du retour à la normale « et pour y répondre, beaucoup ont stocké des vélos et des batteries, qui sont devenus inaccessibles quand l'inflation a rogné les pouvoirs d'achat, complète Clément Jerusalem. Aujourd'hui, ils restent sur les bras des vendeurs. On cherche à déstocker. Quitte à vendre au prix d'usine, simplement pour gagner de la place pour d'autres activités ou d'autres produits. »

Popins, une enseigne bordelaise bien établie, ne devrait plus vendre que de l'occasion une fois son stock de vélos neufs épuisés.

C. L.

Pour expliquer cette récession, Stéphane Bonne cite encore la baisse des aides de l'État à l'achat : « De 200 à 100 euros. » Ou les solutions qui permettent de disposer d'un vélo sans en acheter : « Le Vélo » en libre-service dans les stations TBM ou les deux-roues mis à disposition des salariés par certaines entreprises. Également évoquée, la concurrence d'Internet : « On a des gens qui viennent essayer des vélos, qui prennent la référence en photo et qu'on ne revoit plus », raconte Lucas Roux, mécanicien à Popins.

2 Miser sur l'occasion et la réparation

Popins annonce dès maintenant qu'une fois son stock de vélos neufs épuisés, le magasin ne vendra plus que de l'occasion. « Nos clients demandent d'abord de la deuxième main, et ils ne veulent pas payer plus de 250 euros », confirme Clément Jerusalem. Le nombre de vols compte aussi. Surtout pour les vélos électriques : 566 en 2021, 1 110 en 2023, indique la police nationale. Si on doit être victime d'un vol, autant que ce soit sur un deux-roues qu'on n'aura pas payé trop cher…

Emmanuel Latorre, à Reine Cargo : « Notre atelier réparation n'arrête pas. »

Ch. L.

Dans ces conditions, c'est d'abord la réparation qui permet à beaucoup de professionnels de vivre. Elle représente 80 % de l'activité de Popins et de Vélo services. Et 40 % de celle de Reine Cargo, tiers-lieu de la rue Montmejean, à La Bastide, qui associe vélo, restauration et programmation artistique. « L'atelier n'arrête pas », indique Emmanuel Latorre, responsable des ventes.

3 Mais un boom des vélos familiaux et utilitaires

Mais au recul du vélo individuel répond le boum du vélo familial ou utilitaire. Ces vélos cargos à deux roues (biporteurs), trois roues (triporteur) ou équipés d'un chargement ou de sièges supplémentaires à l'arrière (longtails) se vendent de mieux en mieux. Eco-Triporteur s'en est fait une spécialité en matière de véhicules neufs, et même d'occasion, généralement à l'automne.

Le message affiché sur la porte du magasin Eco-Triporteur : quand le vélo cargo tend à remplacer la voiture dans l'hypercentre.

C. L.

« Beaucoup de nos clients revendent leurs voitures pour acheter un vélo cargo »

Sa clientèle ? « Des gens qui se déplacent en centre-ville et qui ne veulent plus s'embêter en voiture, répond Joaquim Aliaga. Bordeaux doit avoir mis en place une Zone à faibles émissions (ZFE) avant 2025, ce qui implique des mesures restrictives pour un grand nombre de véhicules motorisés (1). Si on ajoute les problèmes de circulation et le temps que prennent certains déplacements en transports en commun, on comprend que de plus en plus de gens optent pour un vélo adapté au transport d'enfants ou de marchandises. »

« Beaucoup de nos clients revendent leurs voitures pour acheter un vélo cargo », confirme Clément Jerusalem. Même son de cloche à Reine Cargo, dont les ventes - exclusivement des vélos familiaux ou utilitaires - ont doublé entre 2022 et 2023. « Ils sont utilisés comme des voitures, analyse Emmanuel Latorre. Par des parents, pour des enfants en bas âge, mais aussi par des professionnels, dont beaucoup d'artisans qui interviennent sur des réparations, ou par des associations caritatives pour leurs maraudes. Pour le moment, les pros et les assos représentent un tiers de notre clientèle, mais on pense atteindre les 50-50 assez vite. »

(1) La ZFE sera bien lancée en 2025 mais ne concernera que les véhicules non classés. Une séquence « pédagogique » puisque les contrôles n'interviendront pas avant 2027.

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