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François Sureau : «L'arrogance me désole, aussi bien celle des militants que des ministres»

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Avec S'en aller, l'écrivain et avocat François Sureau, nous entraîne dans le sillage d'aventuriers, comme dans la méditation de l'exil intérieur. Francesca Mantovani - Editions Gallimard

Avec S'en aller, son dernier livre, l'écrivain nous entraîne dans le sillage d'aventuriers, comme dans la méditation de l'exil intérieur.

Énarque, haut fonctionnaire, cadre dans le privé, puis avocat, officier de réserve pour la Légion et l'armée, défenseur des libertés publiques, académicien. Mais, avant tout, François Sureau est bourlingueur, d'un pays à l'autre et d'un livre à l'autre. Il nous convie à un kaléidoscope de destins d'aventuriers (Patrick Leigh Fermor, Csoma de Körös…) oubliés de tous, aux côtés de figures littéraires ayant choisi de «s'en aller» (Victor Hugo, Joseph Kessel, Pierre Loti, T. E. Lawrence, Somerset Maugham…), revisitant également les tribulations d'Arsène Lupin !

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Madame Figaro. - Quelle est cette pulsion qui consiste à partir ?

François Sureau. -J'ai réalisé, assez tard, qu'on partait parce qu'on n'était déjà pas là, à l'endroit où l'on était, au moment de partir ! Il y a chez la plupart de ceux dont je parle un sentiment d'étrangeté. Ils ne vont pas chercher dans le voyage une issue à cette étrangeté, ils la déplacent simplement pour mieux coïncider avec leur destinée, pour devenir totalement étrangers au monde. La littérature pour moi a toujours été liée au voyage, à l'évasion, au déchiffrement du monde… mais je l'aime surtout comme témoignage d'une recherche, d'une tension vers les choses invisibles. Mes premières lectures ont été Le Club des cinq, Arsène Lupin… Peu de livres m'ont donné autant d'émotion que la découverte du trésor dans Le Comte de Monte-Cristo , c'est ça, pour moi, la littérature.

Où avez-vous voyagé ?

Il y a plusieurs catégories de voyages dans ma vie. Europe centrale, Sahara, Inde, Asie du Sud-Est, où je partais comme ça, comme un routard. États-Unis, Angleterre, Irlande, pour le travail. La Hongrie, aussi, qui m'a marqué, au moment de la chute du mur, c'était la fin d'un monde, j'ai toujours été sensible au passage des mondes. Yougoslavie, Cambodge, Afghanistan, Mali, lors d'opérations militaires, quand j'étais affecté aux opérations spéciales (renseignement, négociation…). Je me sens plutôt chez moi partout, mais je suis particulièrement sensible aux terres magiques comme l'Irlande et l'Écosse, à ces paysages hantés, où le passé se mêle au présent.

Avez-vous peur de l'ennui ?

Sûrement pas ! Pour cela, il faut s'intéresser beaucoup à soi-même. Une part de la littérature contemporaine est envahie par la singularité, «moi, je», «ce que j'ai vécu», «ce que j'ai pensé», je préfère ce que Giono appelle le «chant du monde.» Face au mystère de celui-ci, nous sommes tous les mêmes. La littérature est un coup de sonde extraordinairement profond dans la nature humaine.

Les touristes ont-ils remplacé les aventuriers ?

On peut toujours s'en aller hors des sentiers battus, et il n'est pas nécessaire d'aller au bout du monde. Certains explorateurs étaient aussi bêtes que certains touristes ! Il y a deux choses qui me désolent aujourd'hui, l'arrogance, aussi bien celle des militants que celle des ministres, et la facilité avec laquelle nous acceptons que chacun fasse sa propre propagande. Ce qui me remplit d'espoir, c'est que je pense que le bien est plus fort, plus puissant, même s'il est moins visible que le mal.

S'en aller, de François Sureau, Éditions Gallimard, 288 p., 21 €. Service Presse

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