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Pourquoi la mission chinoise vers la face cachée de la Lune est historique

Original source (on modern site)

Notre satellite naturel n'avait plus autant attiré la lumière depuis cinquante ans. Car après le « grand pas pour l'humanité » de 1969, la conquête spatiale a presque cessé les « petits pas » vers la Lune, éclipsée. Mais depuis quelques années, la course à l'Espace renoue avec son premier amour et la Chine, nouvel acteur de premier plan, n'est pas en reste. En témoigne la nouvelle mission spatiale chinoise Chang'e 6, qui doit décoller ce vendredi à 9h30 (heure française) du port spatial de Wenchang, dans la province de Hainan.

Un défi technique et, surtout, un pas historique dans la découverte de cet astre rocheux, alors que la mission doit se poser sur la face cachée de la Lune. Car l'astre « a un verrou gravitationnel et présente toujours la même face à la Terre », explique Olivier Sanguy, responsable de l'actualité spatiale à la cité de l'espace de Toulouse. La Chine a été le premier pays à poser un engin sur cette face cachée, en 2019. Puis, en 2020, la sonde Chang'e 5 a ramené des échantillons lunaires, une première depuis plus de quarante ans. Mais cette mission Chang'e 6, qui doit durer 53 jours (un peu plus du double que la mission Chang'e 5) est encore plus ambitieuse.

Des échantillons de la face cachée de la Lune

L'alunissage est prévu le 2 juin, l'engin devant d'abord être mis en orbite lunaire pour préparer sa descente et sa mission. Après cet alunissage, « un bras robotique va faire des prélèvements et creuser jusqu'à deux mètres de profondeur », déclare Olivier Sanguy. « C'est une grande première », abonde Estelle Moraux, maîtresse de conférences à l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble, qui précise que « deux kilos » d'échantillons doivent être ramenés sur Terre. « D'un point de vue scientifique, c'est totalement nouveau car on va avoir accès à une géologie différente de la Lune. La face cachée reçoit bien plus d'impacts météoritiques [que la face visible] et on va pouvoir analyser ces matériaux sans détérioration », explique la chercheuse au centre spatial universitaire de Grenoble.

« La Lune est comme un morceau de Terre arraché il y a plus de quatre milliards d'années puis mis au frigo ! » »

Sur Terre, lorsqu'une météorite pénètre l'atmosphère, elle brûle, fond et, donc, se modifie. Certaines météorites se désagrègent entièrement avant de toucher le sol, quand d'autres ne font plus qu'un vingtième de leur masse d'origine. Les échantillons ramenés par Chang'e 6 seront d'autant plus précieux qu'en les examinant, « on étudie aussi l'histoire de notre planète, car la Lune est comme un morceau de Terre arraché il y a plus de quatre milliards d'années puis mis au frigo ! », illustre Olivier Sanguy.

Un véritable « défi technologique »

La mission Chang'e 6 est donc révolutionnaire pour notre compréhension de la Terre et de l'Espace, mais elle représente aussi un challenge technique considérable. « C'est déjà difficile de se poser sur la Lune, alors sur la face cachée… », résume Olivier Sanguy, énumérant les nombreuses missions d'alunissage qui ont échoué, de l'Inde à la Russie. « Les terrains sont beaucoup plus accidentés sur la face cachée, il n'est pas évident de trouver un endroit qui soit à peu près plat pour se poser », explique Estelle Moraux, qui rappelle que « plusieurs sondes se sont retrouvées en déséquilibre sur la Lune et ont perdu le contact avec la Terre » récemment.

De plus, « pour une mission sur la face cachée, il n'est pas possible de communiquer la direction, il faut un satellite relais qui va trianguler », explique Olivier Sanguy. « C'est un défi technologique. C'est la première fois qu'une mission se pose vraiment sur la face cachée de la Lune, où aucune connexion n'est possible avec la Terre », ajoute Estelle Moraux.

Une « étape nécessaire » avant Mars

Après plusieurs missions liées à la Lune, Pékin pousse donc le curseur encore plus loin avec Chang'e 6. « La Chine affiche très clairement son objectif Lune », souligne Estelle Moraux. Le patron de la Nasa, Bill Nelson, a d'ailleurs estimé mi-avril que les Etats-Unis étaient à présent engagés dans une « course » spatiale avec Pékin. La mission américaine Artémis 3 prévoit de faire atterrir des astronautes sur la Lune en 2026. La Chine, elle, a évoqué le même projet pour 2030. Mais les dates pourraient se rapprocher alors que Pékin est discret sur l'avancée de son programme spatial et que Washington souffre de retard et de tensions sur le financement de ses projets.

« La Lune est une escale avant d'aller sur Mars. Les programmes spatiaux la considèrent comme une étape nécessaire », assure Estelle Moraux. « Artémis affiche clairement un objectif de "Moon to Mars", de la Lune vers Mars », abonde Olivier Sanguy. Qui ajoute dans un sourire : « On m'a toujours dit que les femmes et les hommes seraient dans vingt ans sur Mars, mais ça fait quarante ans qu'on me le dit. »

Car oui, notre satellite naturel est un excellent terrain d'entraînement pour un jour partir à la conquête de Mars. Mais à seulement 384.400 kilomètres de la Terre, ces « entraînements » lunaires restent incomparables à une épopée martienne, alors que la planète se trouve à plus de 55 millions de kilomètres de nous…

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