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Le bleu végétal est-il un fromage ? Le débat qui déchire les États-Unis

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Par Hélène Vissière

Publié le 05/05/2024 à 14:31, Mis à jour le 05/05/2024 à 14:33

Le bleu crée par Climax Foods a été honoré avant d'être disqualifié. Image d'illustration. Grafvision / stock.adobe.com

En janvier, les juges d'un prestigieux concours ont décidé de décerner un prix au bleu créé à partir de graines de courge, de chanvre, de haricots de Lima et de beurre de cacao. Avant qu'il ne soit disqualifié. La guerre des fromages bat son plein.

C'était certain : l'événement devait faire grand bruit. Pour la première fois, un fromage fabriqué à base de plantes allait remporter un concours prestigieux face à ses concurrents produits à partir de lait de vache. En janvier, les juges du Good Food Awards à San Francisco, ont décidé de décerner un prix au bleu crée par Climax Foods à partir de graines de courge, de chanvre, d'haricots de Lima, de beurre de cacao… . Un grand honneur qui promettait une importante publicité à cette start-up de Californie. Oliver Zahn, le patron, devait garder secrète l'annonce de sa victoire jusqu'à la cérémonie le 29 avril. Oui mais voilà… Une semaine avant la remise des prix, cet ancien astrophysicien reconverti dans la biotech a été informé par les organisateurs du concours, que son bleu était disqualifié. Les ingrédients d'une bonne controverse étaient réunis.

Lorsque la rumeur de la victoire de Climax a commencé à se répandre cet hiver, les producteurs de fromage traditionnel ont vu…bleu ! Selon le Washington Post, la Good Food Foundation en charge de la compétition a essayé d'apaiser les tensions en proposant de couronner deux gagnants. Elle a également déclaré qu'elle allait réfléchir à la création d'une catégorie spéciale l'année prochaine, avant discrètement de disqualifier le bleu de Climax.

Mystérieuse plainte

Les organisateurs, ont reçu une mystérieuse plainte reprochant à la start-up de ne pas respecter le cahier des charges. Elle a d'abord utilisé du beurre de kokum, dérivé des graines d'un arbre indien de la famille du mangoustanier. Or, cet ingrédient ne semble pas (les opinions divergent) être désigné GRAS, un acronyme de l'Agence américaine des denrées alimentaires (FDA) qui signifie «Généralement reconnu sans danger» pour le consommateur«. Selon la plainte, ses produits n'étaient pas non plus prêts à être vendus au détail.

Oliver Zahn a rétorqué que ces deux critères n'étaient pas mentionnés lorsqu'il a envoyé ses échantillons l'an dernier. On ne sait pas exactement quand la fondation les a ajoutés sur son site, mais il semble que ce soit après la dégustation des juges en janvier. Le patron de Climax s'est défendu en disant que les organisateurs ne l'avaient pas contacté pour demander des précisions. Il leur aurait dit que ses fromages étaient prêts à la commercialisation. Ils sont déjà distribués dans plus d'une douzaine de restaurants dont le Eleven Madison Park à New York, un trois étoiles Michelin. Il aurait pu aussi leur fournir un autre échantillon. Il a abandonné depuis le beurre de kokum et l'a remplacé par du beurre de cacao qui est certifié par la FDA.

Lobby

Sarah Weiner, la directrice de la Good Food Foundation, a reconnu que c'était une situation «très décevante». Le changement de règles se voulait «une clarification de nos principes et de nos standards». Elle a affirmé également qu'elle avait contacté deux employés de Climax, sans réponse. L'un d'entre eux ne travaillait plus dans l'entreprise.

D'après le quotidien américain, Oliver Zahn soupçonne la personne à l'origine de la plainte d'être liée à l'industrie laitière. Et accuse les organisateurs du concours d'avoir cédé face aux pressions du lobby industriel. Il ne veut pas en faire tout un fromage mais… «Il aurait été très facile pour eux de nous contacter et de nous dire les nouveaux critères», a-t-il déclaré dans une autre interview.

Bataille acharnée

Ce n'est que le début de la bataille qui ressemble à celle menée par les éleveurs contre «la viande sans viande». Les producteurs traditionnels estiment que les produits à base de plantes ne devraient pas être étiquetés «fromage» alors qu'ils ne sont pas fabriqués à partir de lait d'animaux.

Tous les fabricants ne partagent pas cet avis. Le Groupe Bel a pris l'an dernier une participation dans Climax Foods pour créer «des alternatives végétales indiscernables des fromages», explique le géant français dans un communiqué. Avant d'ajouter, histoire d'ouvrir l'appétit: «En s'appuyant sur la puissance de la data et de l'intelligence artificielle (IA), ainsi que sur leurs capacités et expertises complémentaires, les deux entreprises vont co-créer de futures portions de Vache qui rit, Kiri, Boursin…»

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