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Etats-Unis : les étudiants de Columbia contre «Genocide Joe»

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Le démantèlement par la police du campement propalestinien de l'université de Columbia marque une rupture entre le parti démocrate et les campus. Dernières heures, mardi, de deux semaines de blocage de Columbia par les étudiants propalestiniens. Le campement et le grand hall de l'université seront évacués tard dans la nuit par des centaines de policiers. (Crédits : © LTD / CAITLIN OCHS/REUTERS)

« Vous n'auriez pas des œufs ? » Accoudé au comptoir d'une baraque à frites, un étudiant s'adresse au cuistot. « C'est pour les lancer sur qui ? » lui rétorque ce dernier en souriant. Autour de la petite roulotte huileuse, des centaines d'élèves de l'université Columbia huent les policiers alignés devant les portes du campus. Il est 9 heures du soir ce mardi quand un énorme camion blindé s'arrête devant Hamilton Hall, dans le nord de l'île de Manhattan. Le bâtiment de l'école est occupé depuis la veille par des étudiants mobilisés en soutien à la Palestine. Sur le toit du fourgon : une escouade de policiers, bouclier à la main. Durant l'intervention : le périmètre est bouclé, la presse tenue à l'écart.

Sciences Po Paris : accord entre la direction et les manifestants propalestiniens

Quelques heures plus tard, la Toile s'emballe avec la diffusion de premières vidéos des arrestations. On voit un étudiant poussé sans ménagement, chutant le long des marches d'un escalier ; d'autres, non impliqués dans l'occupation, enfermés dans leurs dortoirs... Des « violences policières choquantes », selon les organisations à l'initiative du blocage. Le lendemain, la présidente de Columbia, Minouche Shafik, qui avait appelé les forces de l'ordre sur son campus pour la deuxième fois en deux semaines, salue leur « incroyable professionnalisme » tandis que Donald Trump s'empresse de commenter les images de cette mêlée disproportionnée : « C'était une belle chose à voir. » Joe Biden, candidat à sa réélection et soutien indéfectible de l'État d'Israël, ne fléchit pas : non, le mouvement étudiant ne lui fera pas changer d'avis, car « la dissidence ne doit jamais conduire au désordre ».

Les étudiants engagés défendent une mobilisation inclusive

Avant l'occupation de Hamilton Hall - rebaptisé Hind's Hall par les étudiants, du prénom d'une fillette gazaouie tuée par un tir israélien -, la « dissidence » consistait en une mosaïque de tentes disséminées sur les vertes pelouses du campus. Un « camp de solidarité pour Gaza », sorte de Fête de l'Huma version Columbia, où l'on débat, on chante, on célèbre la fête juive de Pessah et on accueille Cornel West, idole des études afro-américaines, Ilhan Omar, représentante de gauche du Minnesota, ou Motaz Azaiza, photojournaliste palestinien célèbre pour sa couverture de la guerre à Gaza. « C'était un campement pacifique et studieux, résume la docteure Shana L. Redmond, professeure en littérature comparée. Mais l'administration de notre école a fait preuve d'une incroyable lâcheté, sa réponse à l'installation du camp a été agressive et a causé davantage de danger. »

Certains médias et politiciens décrivent des enclaves « pro-Hamas » où l'antisémitisme ferait loi. Les étudiants engagés défendent une mobilisation inclusive et réitèrent les mêmes demandes : appel à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza ; annulation de partenariats avec les universités israéliennes ; fin de la « militarisation de leur campement » ; publication d'un rapport des investissements de leur université en Israël et arrêt de ceux-ci. D'ailleurs, 90% des élèves de Barnard College - une des facultés de Columbia qui recense près de 30% d'étudiants juifs, selon Hillel International - sont favorables à un désinvestissement de l'État hébreu, rapporte une gazette du campus.

Columbia, où les premières tentes ont été plantées il y a deux semaines, est le foyer d'une contestation étudiante qui a éclos partout à travers le pays. D'est en ouest, la police a arrêté plus de 2 000 personnes lors de protestations propalestiniennes, alors que plus d'une quarantaine de campements ont été recensés depuis un mois et demi. Celui de l'université de Californie à Los Angeles (UCLA) a été violemment attaqué par des contre-manifestants pro-israéliens mardi soir, avant d'être vidé jeudi à l'aube par les forces de l'ordre, grenades assourdissantes à l'appui. À Berkeley, berceau du Free Speech Movement (« mouvement pour la liberté d'expression »), l'administration n'est pas encore intervenue - « trop tabou », glisse une étudiante interrogée.

La veille, Miel* racontait la « nécessité d'intensifier les protestations pour forcer la main des décideurs ». Museau de souris, tresses noires, débit assuré : « Le sujet palestinien est la clé de l'abolition d'un système carcéral et colonial mondialisé, doté d'une réponse policière violente. » Pour s'être assise avec ses camarades sur le parvis de sa fac et avoir martelé son appel à un cessez-le-feu, cette jeune Juive de Caroline du Nord a été envoyée en garde à vue.

À New York, le démantèlement des campements est le fait de dirigeants démocrates

« Il y a un gros problème de déontologie depuis l'ère Trump, on muselle plus rapidement la liberté d'expression », pointe Robert Cohen. Le professeur de NYU, spécialiste de ce type de manifestations, concède qu'il existe aux États-Unis « une sorte de prédisposition culturelle à tacler les mouvements étudiants, par nature impopulaires ». Il s'interroge : « Comment justifier l'arrestation d'étudiants qui occupent une pelouse ou une place ? » Le journaliste Tim Dickinson, qui couvre l'activisme sur les campus depuis la fin des années 1990, s'alarme pour sa part des moyens déployés : « Ce qui est inhabituel, liste-t-il sur X (anciennement Twitter), c'est la présence de tireurs d'élite sur les toits [...], la police du campus s'attaquant à des professeurs voulant désamorcer les arrestations violentes, les caméramans arrêtés pour avoir retransmis en direct les mesures de répression. »

À New York, le démantèlement des campements est le fait de dirigeants démocrates, du maire à la gouverneure en passant par les administrations universitaires, historiquement progressistes. Pourtant, jamais la césure n'a été aussi grande entre les étudiants et les leaders du parti de l'Âne, parmi lesquels « Genocide Joe » et Kamala Harris, honnis des jeunes sensibilisés à la question palestinienne. Même Bernie Sanders, pour qui Miel avait fait campagne en 2020, est jugé « trop silencieux ». Celle qui s'est politisée « grâce aux Socialistes démocrates d'Amérique » n'a « plus vraiment foi dans le système du vote bipartite » et pense que les manifestations auxquelles elle prend part sont « le seul choix politique » qu'il lui reste. Élève à Columbia, Sam* appuie : « Qu'ils soient démocrates ou républicains, nos responsables soutiennent Israël et nous prennent pour une bande de gamins qui ne comprennent pas le problème. »

Joe Biden justifie l'évacuation des campus, à la Maison- Blanche, jeudi. (© LTD / KEVIN DIETSCH/GETTY VIA AFP)

La montée en puissance des mouvements propalestiniens est une aubaine pour les conservateurs, qui considèrent les campus d'université comme un terrain de bataille idéologique depuis plusieurs années. Leur dernière grosse prise de guerre remontait à cet hiver, avec la démission de la présidente de l'université de Pennsylvanie, suivie de celle de Harvard, profils intellos favorables aux démocrates. Après leur audition au Congrès devant la commission d'enquête sur l'antisémitisme dans les facs, diligentée par la trumpiste Elise Stefanik, les deux cheffes d'établissement de l'Ivy League avaient été morigénées pour ne pas avoir condamné plus fermement le risque d'attaques antijuives sur leurs campus. « Depuis, il y a une grosse pression sur les dirigeants d'université », explique Robert Cohen.

Shana L. Redmond, fustige une « chasse aux sorcières ridicule » et assure que « l'institution n'a pas voulu définir l'antisémitisme, forçant ainsi certains professeurs à s'autocensurer au sujet d'idées pédagogiquement importantes ». Du côté de Barnard College, la direction s'emmêle les pinceaux depuis plusieurs mois, entretenant une confusion entre antisémitisme et antisionisme dans ses communications. La Student Government Association de Barnard s'est cabrée, dénonçant « une rhétorique inexacte », une « incapacité à reconnaître le harcèlement racial auquel les étudiants palestiniens, arabes et noirs sont confrontés », et l'utilisation du corps étudiant « comme bouc émissaire ».

Les forces de l'ordre de New York patrouilleront sur le campus de Columbia jusqu'à la fin de l'année scolaire. Qu'importe que la remise des diplômes ait lieu dans deux semaines, la Dr Redmond coupe net : « En tant que professeure noire, je ne me sens pas en sécurité sur le campus avec une présence policière et je n'y retournerai donc pas avant qu'elle le quitte. » Les dernières traces du campement, des taches plus claires sur les pelouses, ne tarderont pas à reverdir. Mais de l'autre côté des portails cadenassés, la fronde continue devant l'université. Lors d'une conférence improvisée sur le trottoir, les étudiants organisateurs du mouvement ont prévenu la presse : « Ce n'est que le début. »

* Les prénoms ont été modifiés.

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