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La Géorgie sous la pression de Bruxelles et de Moscou

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La dirigeante géorgienne Salomé Zourabichvili. © Inna Kukudzhanova/TASS/Sipa USA/SIPA

Un tapis de petites lucioles scintillantes, fait avec les lampes torches des téléphones portables parsemant l'avenue Roustaveli, des drapeaux rouges et blancs agités frénétiquement, du gaz lacrymogène, des coups de matraques, et un député qui s'exprime à la tribune le visage enveloppé de bandages : c'est le spectacle qu'offre Tbilissi depuis mercredi soir et le vote (par 83 voix pour et 23 contre) du très controversé projet de loi sur la « transparence de l'influence étrangère ».

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Depuis deux semaines, le climat politique de cette petite république caucasienne s'est tendu entre partisans et opposants au texte occasionnant même une bagarre générale en plein hémicycle et de nombreuses manifestations, dont la dernière en date a réuni 80 000 personnes.

D'un côté, le parti majoritaire de l'oligarque Bidzina Ivanichvil, le Rêve géorgien, qui avait déjà tenté d'introduire le texte l'année dernière puis reculé devant la contestation, de l'autre, la présidente de la République, la Franco-Géorgienne Salomé Zourachbili, ex-enseignante à Sciences-Po, férocement attachée à l'intégration européenne et même « euroatlantique » du pays.

Lundi, le Rêve géorgien a contre-attaqué et rassemblé quelques milliers de personnes scandant le slogan « Patrie, langue, orthodoxie », dont vraisemblablement des fonctionnaires amenés en bus depuis d'autres régions du pays.

Accusé par ses détracteurs d'être calqué sur une loi russe de répression des opposants politiques, le projet de loi doit encore être adopté en troisième lecture et subira probablement le veto de la présidente, veto que la majorité parlementaire pourra d'ailleurs contourner. La future loi exigera de toute organisation non gouvernementale recevant plus de 20 % de ses financements en provenance de l'étranger, de s'enregistrer comme « organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère ».

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Or, en décembre 2023, après un précédent refus, l'Union européenne avait accordé à la Géorgie le statut de candidat à la candidature, moyennant un programme de réformes judiciaires et de liberté des médias, programme naturellement peu compatible avec les velléités d'adhésion du pays à l'Union.

Un pays tiraillé entre l'Est et l'Ouest

Cette division entre camp pro-occidental et camp prorusse n'est pas sans rappeler le tragique scénario ukrainien qui avait suivi le refus de Victor Ianoukovitch de signer un traité d'association avec l'Union en 2013, entraînant les manifestations de la place Maïdan et la spirale guerrière des dix années suivantes.

La Géorgie a elle-même subi une révolution de couleur en novembre 2003, la révolution des Roses, qui avait renversé le président de la République et ancien ministre des Affaires étrangères de l'Union soviétique, Edouard Chevardnadze.

Cette division entre camp pro-occidental et camp prorusse n'est pas sans rappeler le tragique scénario ukrainien

Coincé entre sa proximité géographique avec Moscou, qui occupe toujours l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud depuis 2008, et son aspiration à rentrer dans l'Europe, le pays est le théâtre de conflits qui le dépassent.

Selon Sergi Kapanadze, ancien député et directeur du think-tank Grass (Georgia's reforms associates), cette loi est la tentative d'un homme, Bidzina Ivanichvil, de prise de pouvoir autoritaire, moyennant quoi, « il a pris la décision d'arrêter le processus d'intégration dans l'UE parce que sa volonté de rester au pouvoir à tout prix le poussait à se tourner vers la Russie. Cependant, la Géorgie n'a pas d'identité culturelle commune avec la Russie, même si un lien de solidarité orthodoxe existe ».

Le narratif conservateur développé par le parti au pouvoir, qui reproche l'introduction de valeurs pro-LGBT par Bruxelles et agite la menace de l'ouverture d'un deuxième front dans le pays, le front ukrainien étant le premier, entre directement en confrontation avec un narratif européen introduit au forceps.

Quel que soit le bien-fondé des arguments des uns et des autres, les élections législatives prévues au mois d'octobre permettront de trancher le nœud gordien : si 80 % des Géorgiens sont effectivement favorables à l'entrée dans l'Union européenne, ce que semblent indiquer les sondages, cette volonté devrait se traduire dans les urnes par la victoire des partis qui défendent cette option.

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